Le plus lointain souvenir remonte à une époque glaciale. Il y a plusieurs courants d’air très froids et une musique ennivrante composée de guirlandes et cloches. Nous sommes blotis dans une grande boite vitrée. Il y a, je me souviens, mes deux frères et 4 cochons d'indes. Pour se nourrir, nous devons nous servir dans une gamelle où les cochons dindes ont établi leur toilette hygiénique.
Parfois, il faut trier pour ne pas tomber sur de l'alimentation provenant des fesses de ces cochons dindes. Lorsque l’on est à peine sevré, ce n’est pas facile de faire la différence. C’est seulement lorsque l’on sent la nourriture se coller aux deux canines qu’on comprends qu’il ne s’agit pas de granulés.
D’ailleurs avec tout ce qu’ils gobent ces porcs d’inde, on se demande s’il reste des granulés. Heureusement mes deux frères arrivent à prendre quelques réserves avant qu’il ne reste plus que des crottes. Ainsi je peux manger à ma faim grâce à eux.
Et puis les mains sont venues. Elles ont emporté un cochon d’inde. On m’explique qu’une race, plus grosse que le plus gros des cochons d’inde, nous nourri et régie notre bien-être. On appelle ça des être humains. Il parait qu’il faut se méfier, certains nous utilisent comme nourriture. C’est à se moment là que j’ai commencé à me demander pourquoi il y avait des races, pourquoi étions nous les plus faibles, pourquoi avaient t-ils des mains et nous des oreilles qui tombent jusqu’au sol. Irrémédiablement je me suis demandé d’où venions nous et qu’est ce qu’une maman.
Bizarrement, même si j’en ai jamais vu, je savais ce que cela représentait et le réconfort que cela procure. Les corps chauds de mes frères me protègent contre certains courants d’airs, mais ils ne remplacent nullement ce manque en moi.
Puis, sur cette conscience, je me dis que je dois apprendre à me débrouiller seul puisque je suis un orphelin. Je décide alors de ramener de la nourriture à mes frères et me dirige d’une patte décidée vers la gamelle.
Arrivée là, je vois une boule de carotte prête a être croquée. J’en avais jamais mangé mais son odeur m’hypnotisait déjà. Et c’est à peine que je pose mes dents sur la boule de carotte, qu’un cochon d’inde saute sur moi et me griffe la tempe de l’œil. Première douleur, je ne peux plus ouvrir l’œil. Je décide néanmoins de me battre et bouscule le cochon d’inde avec mon museau. Le cochon d’inde vient s’écraser brutalement contre un brin de paille. La carotte est à moi, je comprends que j’ai gagné une rude bataille contre 25 grammes de viande désarticulée de cerveau.
En ramenant la carotte, mes frères me câlinent et me félicite. Heureusement j’arrive a ouvrir la paupière de l’œil endolori, j’arrive a voir même si cela me fait encore mal.
Les mains sont revenues les jours suivants en emportant l’un de mes frères, puis le second. Je reste seul face au cochons d’inde. L’un d’eux, le plus costaux me lance diverse insultes, sans trop s’approcher, de peur que je riposte. Tout y passe : « oreilles de torchon », « grandes pattes » ou encore que je suis « incapable de courir dans une roue ». Mais quel intérêt ?
Les cochons d’inde sont emmenés à leur tour. Finalement je reste seul. La musique s’arrête elle aussi. Une ou deux semaines passent. L’avantage est que je n’ai plus peur de manger les crottes des cochons d’inde. Mais je reste seul, sans pouvoir me blottir. J’ai froid.
Puis les mains viennent me prendre. A leur bout, un corps avec une tête et des jambes. Je suis terrifier par cette vue gigantesque. Je suis emmené en dehors de la cage. Je peux tomber a tout moment d’une énorme chute d’au moins 1m50 de haut. C’est la mort assurée. Je me démène pour me libérer mais mon petit corps n'est pas assez fort.
- Il a à peine un mois. Tous les autres lapins sont partis pour Noël, il ne reste plus que celui-ci. Personne n’a voulu le prendre à cause de sa balafre à l’œil.
L’humain qui parle est celui qui me tien et qui m’emmène sur une table. Je comprends son langage, sans explication. De l’autre coté de la table un autre humain. Sa main me touche le museau, j’essai de me débattre même si l’odeur se dégageant de la main est agréable. Elle est chaude.
- C’est celui-ci que je veux, pas un autre, dis un le corps de l’humain à la voix plus aigue.
- La balafre ne te dérange pas? réponds une autre voix grave venant de bien plus loin.
- Non, c’est lui mon bébé lapin..
- Alors c’est celui-ci que l’on prend.
Immédiatement je suis mit dans une petite boite en carton avec 2 trous pour respirer. Je plonge dans le noir, mais quelque chose me dit que je ne reverrais plus de cochon d’inde d’ici quelques temps.
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WilloW